ORIGINAL RESEARCH - JOURNAL OF FUNCTIONAL VENTILATION AND PULMONOLOGY. VOLUME 12 - ISSUE 37. 2021

Last Updated: 16/12/2021

Prevalence and factors associated with hookah tobacco consumption among students in Cotonou, Benin
Prévalence et facteurs associés à la consommation de tabac par la chicha chez les étudiants à Cotonou, Bénin
Wachinou Ablo Prudence^1,2,4,5, Djidonou Anselme³, Fandohan Olive⁴, Salanon Elfried⁴, Biaou Boni Richard⁴, Fiogbé Arnauld², Amidou Salmane⁵, Agodokpessi Gildas^1,2, Houinato Dismand^1,4

¹: Faculté des Sciences de la Santé, Université d’Abomey Calavi, Cotonou, Bénin
²: Centre National Hospitalier Universitaire de Pneumo-Phtisiologie de Cotonou, Bénin
³: Faculté de Médecine, Université de Parakou, Parakou, Bénin.
⁴: Laboratoire d’Epidémiologie des Maladies Chroniques et Neurologiques, Cotonou, Bénin
⁵: Programme National de Lutte contre les Maladies Non Transmissibles, Cotonou, Bénin

Corresponding author
Dr. WACHINOU Ablo Prudence
Maître-Assistant en Pneumo-Phtisiologie, 05 BP 755 Cotonou, Bénin
E-mail: wachinouprudence@yahoo.fr

DOI: 10.12699/jfvpulm.12.37.2021.57

Abstract
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ABSTRACT

Introduction. The use of chicha among young people is a recent and increasingly alarming trend in tobacco use in Africa. The purpose of this study was to determine the prevalence and factors associated with tobacco consumption by chicha among students in Cotonou, Benin in 2018.
Methods. This was a cross-sectional study conducted from June to November 2018 among students in Cotonou. The sample size was 678. Sampling was carried out by a three-stage random sampling. An anonymous self-administered questionnaire was used to collect data. The differences were statistically significant for a p-value of less than 0.05.
Results. The mean age of the respondents was 20.20±2.50 years. The prevalence of tobacco consumption by chicha in Cotonou students in 2018 was 13.86% (95% CI: 11.47-16.67). Associated factors were: tobacco use by a sibling or cousin (p<0.001) or by the neighborhood (p=0.04), personal use of cigarettes (p<0.001), cannabis (p=0.001), or alcohol (p<0.001).
Conclusion. Chicha consumption is a frequent phenomenon among students in Cotonou. This new mode of tobacco consumption is most often part of a polydrug addiction. This must therefore be taken into account for the implementation and reinforcement of tobacco control program actions.

KEYWORDS: Chicha; Tobacco; Smoking; Students; Young people

RÉSUMÉ

Introduction. L’usage de la chicha chez les jeunes constitue une tendance récente de plus en plus alarmante de la consommation de tabac en Afrique. Le but cette étude était de déterminer la prévalence et les facteurs associés à la consommation de tabac par la chicha chez les étudiants à Cotonou au Bénin en 2018.
Méthodes. Il s’est agi d’une étude transversale menée de juin à novembre 2018 auprès des étudiants à Cotonou. La taille de l’échantillon était de 678. L’échantillonnage a été réalisé par sondage aléatoire à trois degrés. Un questionnaire anonyme auto-administré a servi à collecter les données. Les différences étaient statistiquement significatives pour une valeur de p inférieur à 0,05.
Résultats. L’âge moyen des enquêtés était de 20,20±2,50 ans. La prévalence de la consommation de tabac par la chicha en milieu estudiantin à Cotonou en 2018 était de 13,86% (IC95% :11,47-16,67). Les facteurs associés étaient : la consommation de tabac par un frère ou une sœur, un cousin ou une cousine (p<0,001) ou par le voisinage (p=0,04), la consommation personnelle de cigarette (p<0,001), de cannabis (p=0,001), ou d’alcool (p<0,001).
Conclusion. La consommation de la chicha constitue un phénomène assez fréquent chez les étudiants à Cotonou. Ce nouveau mode de consommation du tabac s’inscrit le plus souvent dans une polytoxicomanie. Ceci doit donc être pris en compte pour l’implémentation et le renforcement de programmes d’actions de la lutte antitabac.

MOTS CLÉS: Chicha; Tabagisme; Etudiants; Jeunes

INTRODUCTION

Le tabagisme demeure une grande menace pour la santé mondiale [1]. Il occupe une place importante dans la genèse des maladies non transmissibles (MNT), qui selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sont responsables de plus de 66% des décès et 47% de la charge de mortalité au plan mondial [2].

De nouvelles tendances alarmantes dans la consommation du tabac émergent dans de nombreuses régions du monde avec notamment l’utilisation de la cigarette électronique et la consommation du tabac par pipe à eau encore appelée chicha ou narguilé ou encore hooka [2–5]. La chicha est devenue un mode de consommation du tabac de plus en plus banalisé chez les jeunes en Afrique [6–8]. Or, de tous les modes de consommation du tabac (cigarette, cigare, pipe), la chicha est l’un des modes où le taux de monoxyde de carbone est le plus élevé. Par ailleurs, hormis les composés intrinsèques du tabac consommé par le biais de la chicha, le mode d’inhalation représente un élément important intervenant dans son degré potentiel de nocivité avec une durée d’exposition plus importante par rapport à la cigarette [5]. Par ailleurs, l’illusion créée par les odeurs aromatisées et le goût ‘suave’ faisant croire à tort que la chicha serait moins dangereuse que la cigarette est trompeuse et expose les jeunes à beaucoup d’effets à court, moyen et long terme [5] . A court et moyen terme, la consommation de chicha surtout en groupe expose à la transmission de maladies infectieuses dont les plus rapportées sont l’herpès, l’hépatite, la tuberculose, les mycoses [9]. Par ailleurs, dans le contexte actuel de l’infection à Coronavirus (COVID-19), il est à craindre que l’utilisation de la chicha en groupe pourrait constituer un vecteur de transmission non négligeable [10]. A long terme, les conséquences sanitaires peuvent être nombreuses et regroupent une élévation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, une altération de la fonction pulmonaire, une bronchite chronique, un emphysème pulmonaire [11,12].

Par ailleurs, des cancers de plusieurs organes comme le poumon, l’œsophage, et l’estomac ainsi que des complications obstétricales, le syndrome métabolique de même que les problèmes mentaux seraient associés à la consommation de la chicha [9,13,14]. La liste de ces effets sanitaires est loin d’être exhaustive. Leur nombre de même que leur potentielle gravité associés au nombre de plus en plus croissant de consommateurs dans nos pays font du phénomène de la chicha un réel problème de santé publique [15] qui appelle une attention plus accrue des autorités sanitaires .

Au Bénin, à notre connaissance, une seule étude publiée en 2019 a porté sur la question de la chicha. Elle a concerné les usagers de 27 bars, buvettes et boîtes de nuit de Cotonou et a rapporté une prévalence de 87,8% [16]. Si cette étude a eu le mérite d’être la première à porter sur le phénomène de la chicha à Cotonou, elle n’a pas fourni de données sur la prévalence réelle de la consommation de la chicha dans la ville de Cotonou encore moins dans la population estudiantine qui est jeune et particulièrement exposée à la tentation de la consommation de tabac et ses dérivés.

Plusieurs facteurs ont été associés à la consommation de chicha. Les plus fréquemment rapportés sont l’âge, le sexe, le niveau de revenus, l’accessibilité géographique et économique, la pression des pairs, le manque de connaissances et l’absence de politiques efficaces de lutte [17–19]. Au Benin, ces facteurs n’ont pas encore été étudiés. C’est pour combler ces gaps en informations que nous avons mené la présente étude dont l’objectif était de déterminer la prévalence et les facteurs associés à la consommation de tabac par la chicha chez les étudiants à Cotonou en 2018.

METHODES

Il s’est agi d’une étude transversale qui a été menée de juin à novembre 2018. La population cible était constituée des étudiants inscrits dans une université ou entité d’université publique ou privée de la ville de Cotonou. Ont été inclus dans l’étude, les étudiants qui étaient inscrits dans une université publique ou privé au cours de l’année académique 2017-2018, âgés d’au moins 18 ans à la date de l’enquête, et ayant donné leur consentement pour y participer. Pour réaliser cette étude, la taille minimale de l’échantillon déterminée à partir de la formule Schwartz était de 320 étudiants.

Les sujets ont été sélectionnés par un sondage aléatoire à trois degrés. Dans un premier temps, la moitié des universités soit 23 universités ou entités d’université publiques et privées de Cotonou a été sélectionnée. Ensuite, un tirage aléatoire de 3 classes d’études au sein de chacune des universités sélectionnées a été fait. Dans chacune des années d’étude (formation X - année Y) sélectionnée, l'ensemble des étudiants présents le jour de l'enquête étaient systématiquement inclus.

Ont été définis comme consommateurs de chicha, les sujets qui ont déclaré en avoir consommé au moins une fois au cours des 30 derniers jours.

Les données ont été collectées par questionnaire auto administré. Une explication claire de l’intérêt de l’étude et la manière dont l’anonymat sera garanti a été donné aux étudiants afin d’obtenir leur consentement. Après remplissage, les questionnaires ont été déposés par les enquêtés dans des cartons qui étaient prévus à cet effet.

Les données ont été ensuite saisies dans une base de données conçue à partir du logiciel Epidata et analysées avec le logiciel SPSS 23 (IBM Statistics corp, USA).

Les variables quantitatives ont été décrites sous forme de paramètres de tendance centrale accompagnés des paramètres de dispersion associés. Les variables qualitatives ont été présentées en fréquence. Par la suite, la recherche d’éventuelles associations statistiques entre la variable dépendante (consommation de chicha) et les variables indépendantes a été effectuée au moyen du test de Chi2 ou du test de Fisher, selon le cas. Une p-value inférieure ou égale à 0,05 a été considérée comme statistiquement significative. L’anonymat et la confidentialité des réponses ont été respectés tout au long de l’étude. Une autorisation administrative a été obtenue auprès des responsables des universités avant la conduite de cette étude.

RÉSULTATS

Caractéristiques sociodémographiques
Au terme de l’étude, 678 sujets ont été enrôlés. L’âge moyen était de 20,20 ±2,50 ans. On notait une prédominance des sujets de sexe masculin avec un sex-ratio de 1,35 (Tableau 1).

Caractéristiques liées à l’environnement familial des participants
Les sujets issus de familles monogamiques étaient les plus représentés (65,49%). Plus de deux sujets sur trois vivaient en famille (66,67%) et 78,76% d’entre eux avaient rapporté une ambiance familiale amicale. Environ vingt-neuf pour cent (29,10%) des participants étaient les aînés de leur famille et plus de la moitié des sujets de l’étude avaient dans leur entourage des personnes qui consommaient le tabac (61,36%) (Tableau 2).

Prévalence de la consommation de la chicha
Sur les 678 étudiants, 202 soit 29,79% consommaient des stupéfiants. Parmi eux, 94 consommaient le tabac par la chicha. La prévalence de consommation de la chicha en milieu estudiantin à Cotonou en 2018 était de 13,86%, IC95% [11,47%-16,67%]. Par ailleurs, la majorité des étudiants qui consommaient la chicha (71,74%) rapportaient le faire par plaisir et 35,79% ont déclaré en consommer par suivisme.

Facteurs associés à la consommation de la chicha
Une année reprise (p=0,01) était significativement associée à la consommation de la chicha (Tableau 3). En ce qui concerne l’environnement familial, le type de famille (p<0,001) était significativement associé à l’utilisation de la chicha (Tableau 4).

La consommation du tabac par un frère ou une sœur, un cousin ou une cousine (p<0,001) ou par le voisinage (p=0,04) ; la consommation personnelle de cannabis (p=0,001), de cigarette (p<0,001) ou d’alcool (p<0,001) étaient significativement associées à la consommation de tabac par la chicha.

DISCUSSION

La chicha est devenue l’un des modes de consommation du tabac les plus en vogue dans le monde actuellement surtout parmi les sujets jeunes [3]. Sa prévalence en milieu estudiantin à Cotonou était de 13,86% à IC95% [11,47 ; 16,67] dans notre étude. Ce chiffre est proche des 10,58% rapportée par Assao et al à Niamey au Niger en 2019 [6].

Dans une étude ayant colligé les données des études Global Youth Tobacco Survey (GYTS) menées dans 16 pays arabes, la prévalence moyenne de consommation de la chicha était de 10,6% chez les adolescents de 13 à 15 ans avec des variations allant de 0,9% à Oman and 34,2% au Liban [18]. Une étude réalisée chez les étudiants d’une d’université en Jordanie a rapporté une prévalence de 12,6% [20]. Les pays industrialisés ne sont guère épargnés. Dans une enquête réalisée en 2013 sur 100 000 jeunes des universités aux Etats Unis (USA), la consommation de chicha était rapportée chez 8,4% d’entre eux. L’augmentation de la consommation de la chicha est constatée sur tous les continents et plus particulièrement chez les jeunes. En effet, Elie et al dans une revue systématique qui a porté sur 34 études réalisées sur plusieurs continents ont montré que quel que soit le pays étudié, les plus fortes prévalences de consommation de chicha sont rapportées dans les populations estudiantines [21]. De façon plus inquiétante, de plus en plus de données émergent faisant suggérer que la consommation de chicha commence à surplanter en termes de prévalence la consommation de cigarettes chez les jeunes dans plusieurs régions. C’est le cas de deux études, l’une conduite dans le nord de Londres Royaume Uni [22] et l’autre Floride aux USA [23]. Ces différents chiffres démontrent la place de plus en plus importante occupée par la chicha dans les comportements tabagiques notamment chez les jeunes et ceci devrait inciter les autorités sanitaires de tous les pays et les instances internationales à se pencher de façon plus vigoureuse sur ce phénomène qui prend de l’ampleur et dont les déterminants sont de plusieurs ordres. Dans une revue systématique réalisée pour décrire les motivations, croyances et attitudes vis-à-vis de la chicha dans le monde, Elie et al ont rapporté comme facteurs de motivation le désir de socialisation, de relaxation et de divertissement [24]. Par ailleurs, chez les étudiants, d’autres motivations sont rapportées à savoir, la curiosité et le côté « fashion », la pression des pairs et de l’entourage [24,25]. La tentation de faire comme son entourage est également retrouvée dans notre étude à travers l’association significative entre la consommation de la chicha et la consommation de tabac par un frère, une sœur, un cousin ou une cousine (p<0,001) ou par le voisinage (p=0,04).

Nous avons également retrouvé dans notre étude que la consommation du cannabis (p=0,001), de la cigarette (p<0,001) et de l’alcool (p<0,001) par l’individu étaient significativement associée à l’utilisation de la chicha. En fait, la consommation de la chicha semble s’intègrer bien souvent dans un contexte de polyconsommation de stupéfiants, ce qui pose donc la problématique d’une lutte globale contre le tabagisme quel que soit le mode de consommation. L’un des meilleurs prédicteurs de consommation de chicha rapporté dans la littérature est la consommation de cigarettes [3]. Plusieurs études à travers le monde ont démontré le lien étroit entre la consommation de chicha et la consommation de cigarettes [26–28] notamment chez les jeunes. Dans cette population, la chicha apparaît souvent comme la première étape de l’initiation au tabagisme [3], bien souvent aidée par son goût agréable et la fausse impression d’innocuité qu’elle véhicule.

Cette étude qui donne pour la première fois une idée de la prévalence de la consommation de la chicha à Cotonou présente quelques limites. En effet, des risques de sur-déclaration comme de sous-déclaration de la part des étudiants qui chercheraient à se valoriser auprès de leurs camarades, ont pu être possibles dans certaines classes mais les effets de groupe ont été maitrisés en exigeant des étudiants que le remplissage soit effectué seul et déposé dans des cartons prévus à cet effet sous plis fermés.

CONCLUSION

La prévalence de la consommation de la chicha chez les étudiants à Cotonou en 2018 est de 13,86%. Les facteurs associés à la consommation de la chicha sont la consommation de tabac par un proche, la consommation par l’individu de cannabis, de cigarette ou d’alcool. La consommation de la chicha chez les étudiants à Cotonou est donc un phénomène non négligeable et s’intègre parfois dans une polytoxicomanie. Des mesures de prévention sont nécessaires pouvant aller jusqu’à une interdiction de la consommation afin de protéger la jeunesse contre les ravages du fléau que constitue le tabagisme.

CONFLIT D’INTERETS

Non

REFERENCE

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TABLES